Ah, (c'est un de mes opéras préférés). Dans quelle version était-il montré ? Les versions habituellement jouées dans les corrections de Rimsky-Korsakov ou de Chostakovitch, et les différentes versions de Moussorgsky (encouragées seulement récemment, le premier enregistrement dans cette version date de 1957, par Bochum, mais est chanté en allemand) sont très différents dans l'orchestration mais aussi dans l'histoire (la fin, le moine n'est pas toujours un moine, etc..). Sinon, musicalement c'est un chef d'oeuvre. As-tu remarqué comment Moussorgsky résout le problème (très spectral) de la simulation des cloches, instrument au son très inharmonique peut imitable à l'ochestre (il n'y avait pas encore Tristan Murail qui simule dans sa pièce d'orchestre Gondwana des sons de cloche gr-ace au calcul préalable à l'ordinateur) ? Moussorgsky utilise un triton [do fa# do] (pas de sixte cette fois) et altèrne sur ce triton les accords de ré7/lab7, tonalement les plus opposés (effet de balancement, pas de stabilité tonale), accords qui contiennent tous les deux ce triton. Héhé, astucieux et pas "cloche", le Modeste. La meilleure version (en DVD) est selon moi le Boris par Claudio Abbado à Vienne (ou Berlin), avec la superbe mise en scène de Tarkovski (un balancier de pendule qui se balance sur toute la scène). Sinon, l'opéra, par son sujet politique sur la Russie éternellement dictature et d'un peuple russe subissant son destin (dernière scène, le chant du clochard), est fascinant (même s'il y a d'autres opéras politiques
: Verdi, Fidelio, Puccini, etc..). En France, les artistes prendraient peut-être traditionnellement moins position politique, malheureusement (Benvenuto Cellini) ? Mais Boris aura beaucoup influencé en France le Pelleas de Debussy, alors que celui-ci cherchait une solution pour sortir des leitmotiv wagneriens. L'idée géniale de Moussorgsky est de construire une mélodie sur l'intonation parlée de la langue (ici russe). Debussy reprendra exactement l'idée (il en parle dans Monsieur Croche, alors qu'il vient de découvrir Moussorgsky), mais en prenant évidemment l'intonation du français, ce qui donne des mélodies plus suaves.